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Adam Smith passe ensuite à l’étude des impôts par lesquels le législateur a voulu frapper les profits. Il distingue deux parts dans le revenu ou profit des capitaux : 1o  celle qui paie l’intérêt et qui appartient au propriétaire du capital ; 2o  celle qui excède ce qui est nécessaire pour le paiement de l’intérêt. Or, suivant lui, cette seconde part du profit ne peut pas être taxée efficacement. « Cette dernière portion du profit, dit-il[1], ne peut évidemment être directement imposée ; elle est la compensation, et le plus souvent elle n’est rien de plus qu’une compensation très modérée des risques et de la peine d’employer le capital. Il faut que celui qui emploie le capital ait cette compensation ; autrement il ne peut, sans nuire à ses intérêts, continuer l’emploi. S’il était donc imposé directement, à proportion du profit total qu’il retire, il serait obligé, ou d’élever le taux de son profit, ou de rejeter l’impôt sur l’intérêt de l’argent, c’est-à-dire de payer moins d’intérêt. S’il élevait le taux de son profit à proportion de l’impôt, alors, quoique l’impôt pût être avancé par lui, cependant le paiement définitif tomberait en entier sur l’une ou sur l’autre de deux classes de gens différentes, selon les différentes manières dont il emploierait le capital dont il a la direction. S’il l’employait, comme capital de fermier, à la culture de la terre, il ne pourrait faire hausser le taux de son profit qu’en retenant par ses mains une plus forte portion du produit de la terre, ou, ce qui revient au même, le prix d’une plus forte portion de ce produit ; et comme cela ne pourrait se faire qu’en réduisant le fermage, le paiement définitif de l’impôt tomberait sur le propriétaire. S’il employait le capital comme capital de commerce ou de manufacture, il ne pourrait hausser le taux de son profit qu’en augmentant le prix de ses marchandises, auquel cas le paiement final de l’impôt tomberait totalement sur les consommateurs de ces marchandises. En supposant qu’il n’élevât pas le taux de son profit, il serait obligé de rejeter tout l’impôt sur cette portion du profit qui était destinée à payer l’intérêt, de l’argent ; il rendrait moins d’intérêt pour tout ce qu’il aurait emprunté de capital, et, dans ce cas, tout le poids de l’impôt porterait sur l’intérêt de l’argent. Tout l’impôt dont il ne pourrait pas

  1. Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 530).