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et la perception des taxes, aurait pour effet d’ébranler le trône bien plus sûrement que toutes les attaques politiques du parti philosophique. Les physiocrates paraissaient être, au contraire, pour le pouvoir des auxiliaires précieux, parce que, comptant sur le roi pour imposer leurs réformes, ils voulaient un gouvernement fort, imbu de la maxime « tout pour le peuple et rien par le peuple » : c’était là, tout au moins, la doctrine de la majeure partie d’entre eux. Ils trouvaient, en effet, dit M. Taine[1], que rien n’est plus commode qu’un tel instrument pour faire les réformes en grand et d’un seul coup. C’est pourquoi, bien loin de restreindre le pouvoir central, les économistes ont voulu l’étendre. Au lieu de lui opposer des digues nouvelles, ils ont songé à détruire les vieux restes de digues qui le gênaient encore. « Dans un gouvernement, déclaraient Quesnay et ses disciples, le système des contre-forces est une idée funeste… Les spéculations d’après lesquelles on a imaginé le système des « contre-poids sont chimériques… Que l’État comprenne ses devoirs et alors qu’on le laisse libre… Il faut que l’État gouverne selon les règles de l’ordre essentiel, et, quand il en est ainsi, il faut qu’il soit tout-puissant. »

Pour tous ces motifs, l’économie politique avait déjà pris un essor assez considérable au moment de l’arrivée d’Adam Smith à Paris : on n’en parlait pas seulement chez Quesnay, Turgot, Diderot, mais dans tous les salons. Aussi le philosophe écossais put profiter largement de son séjour dans la capitale de la France pour compléter ses observations, étudier à son aise les théories des physiocrates et apprécier la valeur comme les points faibles de chacune d’elles, grâce à ces discussions familières auxquelles il assistait chaque jour.

Malheureusement il ne nous a laissé aucun détail sur son séjour à Paris. « Il est fort à regretter, dit son biographe Dugald Stewart[2], qu’il n’ait conservé aucun journal de ce période si intéressant de sa vie, et sa répugnance à écrire des lettres était si forte que je ne crois pas qu’il en reste aucune trace dans sa

  1. Taine. L’ancien régime, p. 321.
  2. Dugald Stewart. Vie de Smith (traduction P. Prevost). Paris, Agasse, 1797.