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La Lettre aux Éditeurs de la Revue d’Édimbourg n’a pas le même caractère : elle n’a pris la forme ni d’une critique, ni d’une discussion, mais elle n’en est pas moins fort intéressante.

La Revue n’avait encore fait paraître qu’un numéro, mais elle l’avait consacré tout entier à la littérature écossaise, bien que celle-ci fût en réalité très pauvre. Or, Smith aurait désiré qu’elle étendît son champ d’études, et il estima qu’il était de son devoir d’attirer l’attention sur l’importance du mouvement intellectuel qui se manifestait de tous côtés en Europe et surtout en France. Ce fut là l’objet de la lettre qu’il adressa aux éditeurs et qui fut publiée dans la Revue.

Cette lettre contient un aperçu sommaire, mais très curieux, de l’état de la littérature sur le continent au milieu du XVIIIe siècle. Nous ne pouvons l’analyser ici parce qu’elle est trop dense pour être résumée, mais on éprouve un véritable plaisir à la lire. Elle donne d’ailleurs au biographe des renseignements précieux sur la nature des études de Smith et elle montre toute la puissance de travail dont il était susceptible : appelé depuis deux ans seulement à la chaire de philosophie morale, il avait à préparer un cours extrêmement chargé, il travaillait en outre à sa Théorie des sentiments moraux, à ses Considérations sur la formation des langues, et nous voyons qu’il trouvait encore le temps de suivre au jour le jour le mouvement littéraire de toute l’Europe. Enfin on est frappé des jugements que le jeune professeur portait sur les principales œuvres du siècle, au moment même de leur apparition, et il y a lieu de remarquer que ces jugements ont été généralement ratifiés par la postérité.

Il fait défiler sous les yeux du lecteur les grandes productions littéraires de notre pays. — C’est l’Encyclopédie, dirigée par d’Alembert et Diderot, qui s’annonçait déjà, écrit-il, « comme l’ouvrage le plus complet en ce genre qu’on ait jamais publié ou même, entrepris en aucune langue ». Il en loue la remarquable préface, le Discours préliminaire, où d’Alembert a fait un vaste tableau de la science et tracé la filiation et la généalogie de chacune de ses branches. Il constate le soin avec lequel ont été rédigés les divers articles : ce ne sont pas, dit-il, des résumés arides, des vérités banales et courantes, ils constituent des ouvrages complets sur la matière, et chacun, quelque lettré qu’il soit, y