CHAPITRE PREMIER
CARACTÈRES GÉNÉRAUX
DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE
Au début de ces études, je ne voudrais pas sembler m’abstraire du sentiment profond qui m’inspire mon sujet. Ce qui fait de la présente guerre la crise la plus tragique qu’ait connue l’humanité, c’est sans doute l’immensité de ce qu’elle met en œuvre, mais c’est aussi l’immensité de ce qu’elle met en cause. Les forces brutales d’agression et les instincts violents de conquête qui se sont déchaînés contre nous n’ont pu se dispenser d’invoquer des titres d’un ordre en apparence plus haut pour essayer de masquer leur trop évidente barbarie ; de notre côté, nous sentons bien que nos armes sont engagées pour la défense non seulement de notre sol, mais encore des meilleurs des fruits spirituels qu’ont fait pousser du sol français les âmes françaises. Faisant parler l’Allemagne de son temps, Henri Heine lui prêtait ce mot — déjà : « Nous haïssons chez nos ennemis ce qu’il y a de plus intime, la pensée. » Défendons ce qu’il y a de plus intime : défendons-le à notre façon, en nous représentant,