Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/42

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Sa tige ailleurs s’élance avec légèreté.
Ici, j’aime sa grâce, et là, sa majesté.
Il tremble au moindre souffle, ou contre la tempête
Roidit son tronc noueux et sa robuste tête.
Rude ou poli, baissant ou dressant ses rameaux,
Véritable Protée entre les végétaux,
Il change incessamment, pour orner la nature,
Sa taille, sa couleur, ses fruits et sa verdure.

Ces effets variés sont les trésors de l’art,
Que le goût lui défend d’employer au hasard.

Des divers plants encor la forme et l’étendue
Sous des aspects divers se présente à la vue.
Tantôt un bois profond, sauvage, ténébreux,
Épanche une ombre immense ; et tantôt moins nombreux
Un plant d’arbres choisis forme un riant bocage.
Plus loin, distribués dans un frais paysage,
Des groupes élégants fixent l’œil enchanté :
Ailleurs, se confiant à sa propre beauté,
Un arbre seul se montre, et seul orne la terre.
Tels, si la paix des champs peut rappeler la guerre,
Une nombreuse armée étale à nos regards
Des bataillons épais, des pelotons épars ;