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LA ROBE DE SOIE



L’ouvrier, ce soir-là, rentra silencieux,
Lui qui portait la joie et l’amour dans les yeux
Et, le travail fini, baisait au front sa femme,
Il s’assit dans un coin, ayant la mort dans l’âme.
Sa compagne frémit et, lui prenant la main :
L’atelier ferme donc ? Réponds-moi. Quand ? — Demain.
Jamais on n’aurait cru la chute aussi prochaine.
Quand sur les travailleurs la crise se déchaîne,
Comme ils n’ont, derrière eux, d’appui que leur valeur,
Cette apparition sinistre, le malheur,
Les interdit et glace un moment leur courage.
À quoi bon, après tout, se révolter ? La rage
Tombe, quand les enfants maigris disent : J’ai faim !
Et l’affreux désespoir reste seul à la fin.