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était sans doute un peu meilleur que celui des esclaves proprement dits, mais quelle lamentable condition néanmoins !

Le serf ne jouissait pas de la liberté personnelle. Attaché en général à la glèbe[1], il devait, aux mêmes lieux, naître, gémir et mourir[2]. Il ne pouvait se marier sans l’autorisation du seigneur ; s’il épousait une serve d’une seigneurie voisine, les enfants étaient habituellement partagés entre les deux seigneurs.

Son champ était fréquemment dévasté par les ennemis de son seigneur, par le seigneur lui-même lorsqu’il était à la chasse.

D’autre part, la liste des redevances dues par le serf était interminable : il devait la dîme[3] de ses récoltes, le cens[4] de sa terre, et des tailles[5] arbitraires ; il y avait des péages nombreux le long des routes et des rivières ; il devait se servir du moulin et du four banals, moyennant une rétribution fixée par le seigneur ; il devait la corvée[6], pour les réparations au château, le curage des fossés, l’entretien des routes, la confection des meubles, des fers de cheval, des voitures, etc. ; « taillable et corvéable à merci », du moins à l’origine, le malheureux serf pouvait à peine procurer à sa famille un misérable morceau de pain noir en retour du plus pénible labeur[7].

Ajoutons que le serf était mainmortable, c’est-à-dire qu’à sa mort, le seigneur héritait de ses biens ; que le seigneur avait seul le droit de chasse et de garenne, de pêche et de colombier ; que le seigneur enfin rendait la justice[8] sans appel : la vie du serf était dans ses mains ! « Entre toi, seigneur, et toi, vilain, il n’y a de juge que Dieu », disait une vieille formule.

Observons en terminant que des famines prolongées éclataient souvent à cause de l’insuffisance des com-

  1. Glèbe : terre.
  2. Il y avait du reste une infinie variété dans la condition du serf.
  3. Dîme : impôt du dixième des produits, prélevé par l’Église ou par les seigneurs ; elle était levée aussi par les roturiers.
  4. Cens : redevance annuelle.
  5. Taille : taxe foncière levée sur le peuple au profit du seigneur et plus tard du souverain ; la noblesse et le clergé en étaient exempts.
  6. Corvée : travail non payé.
  7. De bonne heure cependant les obligations des serfs furent fixées par la coutume.
  8. Le seigneur haut justicier.