Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/125

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comme dans les plus belles théories de Platon, avait pour sœur l’Intelligence. Mais les merveilles réalisées par Aspasie et ses compagnes étaient trop prématurées pour être durables. Les hétaïres disparurent avec le siècle de Périclès, et les courtisanes leur succédèrent, comme le plaisir peut succéder à l’amour. Avec les courtisanes, les Phryné, les Laïs, commença la décadence de la Grèce, dont les hétaïres avaient marqué l’apogée. La chute fut rapide et sensible.

N’importe ! une grande impulsion avait été donnée à l’intelligence féminine. Les femmes s’étaient reconnues capables de sentir le beau. Un lien de plus avec l’homme leur était assuré. C’est ainsi que la dame romaine, la châtelaine du moyen âge, l’Italienne de la renaissance, la duchesse de la Fronde ou de la cour du grand roi ont perpétué jusqu’à nous une tradition non interrompue de goûts littéraires et d’enthousiasmes artistiques qui contribue à établir l’égalité dans l’amour. Ainsi l’influence des hétaïres, insensible sur les femmes grecques renfermées dans le gynécée et sur les courtisanes vénales qui les remplacèrent, se marque dans ce mouvement d’esprit qui remonte à leur glorieuse initiative. Ce fut aussi en les contemplant que les poëtes et les philosophes agrandirent l’idéal de l’amour jusqu’à le rendre moderne.

Au moment où Aspasie ouvrait à tout un sexe des horizons interdits, une grande séparation se faisait dans l’histoire de l’humanité. L’antiquité de Lycurgue

et d’Homère, l’antiquité polythéiste, héroïque, naïve,