Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/126

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simple, sereine, s’éteignait lentement, comme un soleil couchant, enveloppée dans un linceul de pourpre. Une seconde antiquité surgissait, sceptique, triste, chercheuse et douteuse, en tout semblable à ce qu’est le monde moderne depuis soixante ans, à ce qu’il sera longtemps encore. Socrate, Platon, Euripide, plus qu’ils ne le croyaient eux-mêmes, avaient rompu brusquement avec le passé ; ils allaient droit au cœur de l’homme, naguère si apaisé, pour y faire pénétrer l’ennui et l’inquiétude, imperceptibles d’abord, plus tard monstrueux. Au patriotisme local ils substituaient le cosmopolitisme et ce que nous appelons les tendances humanitaires. Pour eux, l’amour devait se transformer ; ils y découvrirent des nuances et des subtilités inconnues. Platon, l’interprète qui agrandit la pensée de Socrate, Platon, le visionnaire du cap Sunium, a réfléchi, a songé, et voici que dans son Banquet, avec l’intuition du génie, il trouve une théorie de l’amour nouvelle encore après dix-huit siècles, et qui serait digne d’être celle de l’avenir. Cette théorie, sur laquelle nous reviendrons dans nos conclusions, cette théorie de l’amour initiateur revèle chez Platon une préoccupation de l’àme inconnue à la première antiquité, un souci de l’intelligence que personne ne ressentait pour les amants avant les hétaïres et leur illustre devancière Sapho, Sapho l’inspirée et la passionnée, que nous n’aurions pas oubliée précédemment si, par sa perversion de sentiments, elle ne s’était mise en dehors de l’amour. Laissons a Sapho la responsabilité de ses égarements et la gloire de son génie, sans essayer, comme M. Cénac-Moncaut,