Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/129

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Symœtha qui montrent saignante à leur flanc la blessure de l’amour ; c’est Catulle qui souffre, c’est Properce qui souffre, et, à la fois poètes et héros, ils sont les propres acteurs du drame douloureux qu’ils déroulent devant nous. Et déjà les grandes souffrances modernes sont entrevues ; et des frères aînés naissent à tous ces infortunés que la Muse récente nous fait aimer et nous fait plaindre. Serein, calme, rayonnant, l’amour, chez les vieux poëtes grecs, n’attestait le plus souvent qu’une joie physique ou qu’une souffrance matérielle. L’âme a part maintenant à tous les bonheurs, à toutes les tristesses d’un Catulle. Ce n’est plus un pur païen satisfait de la matière, qui s’écrie : « J’aime et je hais ! Pourquoi, me demandes-tu ? Je ne sais, mais je sens en moi ces deux impulsions et j’en suis torturé. »

Properce devient l’égal de Catulle, le précurseur de tous les tristes, quand il dit : « Heureux qui peut pleurer devant la bien-aimée. » Jamais pareille idée ne fût venue à un poëte grec, sauf peut-être à Ménandre. Nous en sommes redevables au siècle de Properce autant qu’à Properce lui-même. Quel progrès accompli sur la Grèce ! Virgile avait dû recueillir autour de lui les plaintes passionnées de sa Didon, et Sénèque a pu sans exciter d’étonnement glorifier « la volupté de la tristesse ».

Efforts inutiles de quelques poëtes et d’un certain nombre de grandes âmes. La décadence, chaque jour, s’acheminait à travers le monde romain, accroissait ses forces de tous les contingents orientaux, gagnait