Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/131

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humain ! Les fictions immorales dont Apulée entremêle ses Métamorphoses, le cynisme du Satyricon, « cette galerie de peintures plus qu’obscènes où l’œil ne peut se fixer que sur des ordures », achèvent de mettre à nu ce honteux triomphe de la Sensualité, cet épanouissement fatal de la Matière. Héliogabale est la figure symbolique de cette époque ; en vain passe-t-il comme une ombre, son lâche et monstrueux génie règne perpétuellement dans un monde où la vie n’est plus que la poursuite débile de la jouissance éphémère. En vain la tendresse se fait-elle jour dans l’histoire eubéenne ; en vain la volupté se déguise-t-elle en Daphnis et Chloé. L’élite des poëtes et des philosophes avait cessé de conserver les traditions du Devoir et de la Passion dans cette universelle contagion de la Débauche. L’idéal entrevu par Ménandre et Catulle, pour reparaître dans ce monde qui l’avait oublié, devait se représenter dégagé de toute confusion avec la matière : ce fut l’œuvre du Christianisme !

Peut-être le Christianisme a-t-il poussé à l’extrême la réaction de l’esprit contre le corps. Mais qui songerait à s’en plaindre ? tant cette réaction est utile à l’amour. A jamais elle assurait cette prédominance de l’âme qui s’atteste même dans les égarements amoureux des modernes. L’égalité des sexes étant proclamée devant Dieu, la femme se sentit plus indépendante de l’homme ; par une juste interprétation de l’idée chrétienne, de siècle en siècle elle a rompu la plupart des anneaux de sa chaîne antique ; plus libre, elle attache