Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/225

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La reconnaissance n’admet point de réserves. Seuls des grammairiens de Bas-Empire se prennent au détail. C’est d’ensemble qu’il faut juger les grands hommes. C’est ainsi que les jugent les Montégut, les Saint-Victor, les Taine, les Levallois, et leur maître à tous, Sainte-Beuve.

« Tu admires, donc tu n’imites pas, » a dit Auguste Vacquerie dans un des meilleurs chapitres de Profils et Grimaces. Cette parole répond à l’un des conseils les plus importants qu’ait instamment donnés Victor Hugo. Une admiration éclairée et intelligente ne va pas sans une indépendance souveraine. Comment Racine a-t-il prouvé qu’il savait admirer Euripide ? En se gardant de l’imiter servilement, tout comme Euripide s’est gardé d’imiter Sophocle. Les maîtres nous donnent à suivre leurs exemples, mais non pas le plan de leurs ouvrages, l’allure de leur style ou la conduite de leurs caractères. C’est une émulation, ce’n’est pas une imitation qu’ils nous demandent. Telle est la vérité que Victor Hugo n’a cessé de propager, au moment même où on l’accusait de convier le drame français à l’imitation de Shakespeare. Cette accusation est trop banale et trop injuste pour n’avoir pas été souvent reproduite. Quel éclatant démenti donné par les œuvres mêmes de Victor Hugo, le poëte dont le drame est le moins Shakespearien ? Critique, il réfute cette calomnie comme tant d’autres par des pages qu’on ne saurait trop relire. Il nous a dit dans la préface de Cromwell : « Que le poëte se garde de copier qui que ce soit, pas plus Shakespeare que Molière, pas plus