Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/302

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étaient sincères dans ce rôle honorable : la suite l’a prouvé. Ceux-là méritent le beau nom de « derniers des Romains » que leur a décerné Edgard Quinet. Mais tous n’étaient pas aussi purs : des hommes sanguinaires, Montant, Javogues, Lecarpentier, siégeant encore sur cette Montagne, devaient par leur voisinage compromettre et mettre en péril leurs collègues ; d’autres, et des plus violents, tels qu’Albitte, Duhem, Léonard Bourdon, et plusieurs Montagnards encore qui, sous le premier Empire, acceptèrent des fonctions lucratives, donnent à suspecter leur zèle patriotique. Cette distinction entre les vrais et toujours rares démocrates et ceux que Camille appelait les « Montagnards d’industrie » et Barrère « les profiteurs de révolutions, » M. Claretie ne l’a pas faite avec assez de soin. Ce qu’il est vrai de dire, c’est que la Montagne, comme la Convention tout entière, était singulièrement mélangée, et que, si les républicains les plus clairvoyants s’étaient donné rendez-vous sur cet Aventin de la démocratie en péril, l’approche et le contact d’hommes de proie (1) a dû les rendre suspects et les faire passer pour coupables.

Voilà ce que l’histoire doit dire pour expliquer l’animosité persistante des vrais républicains contre le nom même de la Montagne ; ceux des thermidoriens qui n’étaient point perfides, le plus grand nombre, en somme^, pouvaient se tromper sur les plus purs Montagnards, sur Lindet, sur Cambon, sur Prieur de la Marne, en les voyant mêlés à des énergumènes et à

(1) Expression dont se servit Legendre.