Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il avait saisi et fixé tous les grands effets de son et de couleur avec la curiosité des jeunes races qui ouvrent leurs yeux à la lumière et jouissent de leurs fraîches et naïves sensations. Plus tard, Virgile devait renouveler la description éternelle, en s’inspirant du sentiment de la vie universelle, en poursuivant dans chaque être l’âme infinie qui se disperse dans toutes les formes de la création. Ce n’est pas ainsi que Théocrite a vu et reproduit le spectacle immuable et changeant qu’il était destiné à peindre. Il a surtout cherché et compris ce que pouvait être la vie de l’homme au milieu des autres êtres inanimés et en présence de la nature. Reléguant les eaux, les bois, les montagnes, sur le second plan, il s’est attaché à nous montrer l’homme sur cette scène éternelle, et il a fait œuvre d’observateur là où l’on pouvait n’attendre qu’un peintre aux couleurs inépuisables.

Une fraîcheur agreste et qui garde le parfum de l’aubépine et des bruyères, une force intérieure pleine de secrètes énergies et semblable à la séve qui s’élance dans l’arbre et dans la plante, voilà deux qualités que nous recommandons chez Théocrite, et qui, dans ses poésies purement pastorales, se déploient dans tout leur essor. Ces qualités correspondent aux deux formes principales de la vie rustique. D’une part, dans cette existence toujours confiée aux vallons, aux forêts, à l’ombre et au silence, il y a quelque chose de doux et de charmant. La fraîcheur abonde et vient de tous côtés, des sources, des ombrages, des buissons, des genêts, des grottes reculées. En même temps, la