Me tient il condamnee à si piteuse fin ?
O pere trop cruel lance ton ardant foudre,
Que ce corps qui est tien soit consommé en poudre
Tu es du tout privé de paternel amour,
Me privant pour jamais de la clarté du jour.
Quay-je fait he pauvrette ? ay-je portay l’enseigne,
Pour le Titan guerrier qui ton septre dedaigne ?
Quels crimes ont commis mes innocentes mains,
Qui me facent jetter aux gouffres inhumains
De l’impiteux Herebe ? ô que j’estime heureuses
Celles qui ont senti les forces amoureuses
Des autres ravisseurs : aumoins le cler Soleil
Voit ce qui leur advient. Mais un flambeau pareil
Ne luyra pres de moy : la lumiere tant belle
M’est du tout interdite, & le nom de pucelle.
Ma honte est desrobee. Ha la clarté me fuit !
Ce fier Tyran m’emporte en l’eternelle Nuit.
O belles fleurs de moy injustement cheries,
Où Venus a tendu ses fines tromperies
Pour surprendre mes yeux simples, maladvisez !
O conseils maternels à grand tort meprisez !
Las ma Mere aidez moy ! courez de la Phrygie,
Courez pour secourir vostre Fille ravie.
Ne me laissez oster la celeste clarté,
Gardez si vous pouvez ma chere liberté.
Soit que dedans Ida le buis vous environne
Avec un bruit affreux, ou bien que l’air resonne
D’un chant Migdonien : ou soit que le souci
Ne vous tire point là, ne soiez pas ainsi
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