Du louche ravisseur, & retirez ma vie.
Cest inhumain forcé des graces de ses yeux,
Qui pleurant resembloient deux Soleils pluvieux,
Tirant un grand souspir de son amour premiere,
Essuye lourdement ceste douce lumiere,
Disant d’une voix humble : Appaise tes douleurs
Proserpine mon ame, & croy que tes valeurs
Aiant receu de moy le Septre favorable
Ne te feront jamais estimer miserable.
Tu ne souffriras point un indigne mary.
Je suis fils de Saturne, & le plus favori
De l’ancien Cahos : mon eternel empire
S’estent par l’infiny : heureux je ne desire
Que ta seule beauté, que je tiens en mes bras
Mais ne pense (mon cueur) quand tu seras là bas
Avoir perdu le jour : nous avons d’autres flammes,
Qui esclerent sans fin : & tant de saintes ames
Aux champs Elysiens, dont l’honneur reveré
Arreste pour jamais le beau siecle doré.
Ce qui est merité une fois par les autres,
Reste perpetuel à tous ceux qui sont nostres.
Nous avons tant de prez tous esmaillez de fleurs,
Qui ne fanissent point : nos Zephyres meilleurs
Que ceux mesmes d’Ætna respirent une halaine
De basme, de parfum, & de musc toute pleine.
Dans un bocage espaix est l’arbre du tresor
D’un metal verdissant, & le fruit en est d’or.
Cest arbre t’est sacré : prends-le je te le donne.
Tu jouyras sans fin d’une agreable autonne.
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