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385Mais je te dis bien peu au pris de ce qui est.
Tout ce qui volle en l’air, qui dans la terre paist,
Qui nage dans les eaux, & qui le ciel regarde,
Tout celà se viendra mettre en ta sauvegarde.
Et les Rois empourprez delaissant leur atour,
390Et les pauvres chetifs y viendront à leur tour.
Toy juste jugeras que les ames meschantes
Souffrent pour leurs meffaits : & que les innocentes
Demeurent à repos. Le gouffre Stygien
Servira ta grandeur : & ce trois ancien
395Qui tourne les fuseaux : que ton plaisir demeure
En la fatalité. Ainsi dict, à mesme heure
Triomphant il entra au Tartare profond.
Mais qui croiroit le bruit qu’alors les ames font ?
Jamais le vent Auster n’abatit tant de fueille,
400Ny tant de goutes d’eau l’Ocean ne recueille,
Que d’ames ont couru pour voir ceste beauté.
Le prince n’aiant plus merque de cruauté,
Vient pour la recevoir : il serene sa face
Dissemblable de soy, il adoucist sa grace
405Par un facile ris : les seigneurs arrivans,
Flegeton s’est levé : les ruisseaux desrivans
De son chef ensouffré luy font un grand ravage,
Couvrant de toutes pars son sein & son visage.
Les serviteurs esleus pour le soing des chevaux
410Courent hastivement, & des passez travaux
Les vont gratifiant les guidant au pacage.
Et d’autres ce pendant vont serrer l’attelage.
Mais les mieux entendus estendent les tableaux :
D’autres vont enjonchant de verdissans rameaux