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295S’esvanouyt en l’air. Elle espere secours
De ses divines sœurs, & va suivant leurs cours :
En ordre va marchant ce quarré d’immortelles.
En ordre vont apres les Nymphes & pucelles.
Les champs sont esmaillez de mil & mille fleurs,
300Les violiers couvers de ces perles ou pleurs
Que donne la rosee, avidément ils boivent
Le doux suc espandu que leurs fueilles reçoivent.
Mais las quand le Soleil est plus haut eslevé,
Au milieu de son ciel le monde est veu privé
305De sa vive splendeur : une nuit tenebreuse
Couvre l’Isle tramblante : une troupe hideuse
Entourne un chariot horriblement venu,
Dont le secret charton n’a pas esté cognu,
Ou soit le porte-mort, ou bien soit la mort mesme.
310Mais il asseche l’herbe, il rend la rose blesme,
Il tarist les ruisseaux, il fait les prez ternis,
Les beaux lis qu’il a veu deviennent tous brunis.
Il ravist Proserpine, & destournant la bride,
Les pieds-de-corne vont où son desir les guide.
315Le bruiant chariot est suivy de la nuit.
Si tost qu’il est absent le cher Soleil reluit.
Mais il ne luist pour moy, qui pendant ma maistresse
Veis à grand contre-cueur la Cyprine Deesse,
Qui prompte s’en retourne avec les autres deux,
320Ayant tost accomply ses promesses & vœux.
Pleine de desespoir je cours par la montagne,
Et trouve mort au champ Cyane ma compagne.
Ses couronnes de fleurs ont perdu leur couleur,
Elle s’abandonnant en proie à la douleur