Page:Desbordes-Valmore - Les Veillées des Antilles, tome 1, 1821.pdf/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
LUCETTE.

vous la donnerait… Allez y donc, et soyez plus heureuses que moi.

Elle les regarda tournoyer et suivre le courant. Cette eau va vite, pensait-elle, le temps ne va pas ainsi ; il s’arrête auprès des bergères de mon âge. Je sens bien qu’il s’arrête, et déjà les petits flots qui passaient tout à l’heure sous mes pieds sont perdus dans la campagne. Que ne puis-je leur confier deux de mes années comme ces fleurs ! Ah ! quel poids de moins sur ma vie ! qu’elles sont lourdes !… qu’il fait chaud !… Et la bergère laissa tomber sa tête sur son épaule.

Rose n’avait point paru, et pourtant Lucette l’avait beaucoup cherchée des yeux, tantôt sur la colline, tantôt dans la vallée. Cette absence de sa chère compagne était peut-être la cause de l’abattement de Lucette. À la fin, ne pouvant plus résister à l’ardeur du jour, elle ima-