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LUCETTE.


À sa voix tendre, à sa grâce légère,
Les yeux baissés, je rêvais sans espoir ;
Et vous disiez : « Regarde-le, bergère.
Vois qu’il est beau ! » Je n’en voulais rien voir.

Je répondis en détournant la vue :
« Il est si beau ! qui pourrait le charmer ?… »
Et vous saviez, d’une voix moins émue,
Flatter l’Amour que je tremblais d’aimer.

Malgré mes pleurs, quand je quittai la plaine,
Il me surprit ma couronne et ma foi ;
Et vous disiez, en riant de ma peine :
« Va-t’en, bergère, il est trop beau pour toi. »

Je m’en allai ; mais, à mon trouble extrême,
Ma mère, hélas ! vit que j’avais eu peur ;
Et vous chantiez pour plaire à ce que j’aime,
Quand je pleurais ma couronne et mon cœur !

Chantez ! chantez ! ô bergères volages !
Pour vous peut-être il est dans le hameau.
Vous le cherchez, sans vous croire moins sages ;
Et pour moi seule, hélas ! il est trop beau !

Suivez l’Amour, ingrates pastourelles,
Arrêtez-le dans vos chaînes de fleurs ;
Mais vous verrez, un jour, qu’il a des ailes ;
Et vos chansons vous coûteront des pleurs !


Le jour annoncé pour la fête était attendu avec impatience par les bons vil-