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MARIE.

Il paraît qu’au village, comme partout, on fait des chansons malicieuses contre l’amour. L’étranger, qui savait danser avec grâce, qui savait chanter, qui savait lire même, car c’était un berger instruit, ne savait pas encore de quoi il riait en riant de l’amour. Peut-être il venait de l’entrevoir ; mais au premier aspect, l’amour n’effraie pas ; loin de faire songer à la mort, il annonce la vie ; et l’indifférence, qui s’enfuit devant lui, est comme un nuage chassé par le soleil. Annette, qui le savait, souriait à Julien. La bergère aux yeux noirs, qui craignait de l’apprendre, en devint plus rêveuse ; et quand le voyageur s’approcha d’elle pour lui parler en tremblant de ce beau jour qui allait finir, elle le regarda avec douceur sans lui répondre, et se perdit au milieu de ses compagnes. Elle s’en éloigna bientôt tout-à-fait. Cette ronde joyeuse l’avait attristée.

« On n’en meurt pas ! répétait-elle ; on