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MARIE.

— Je n’en ai pas. — À quoi sert donc votre houlette, si vous n’avez pas de moutons ? — Elle peut servir à défendre les troupeaux des autres, quand ils voudront me les confier. — Et vos parens, vous ont-ils ainsi laissé partir ? — Je n’en ai plus. J’ai perdu mes parens, qui ne m’ont laissé que mon amour pour leur mémoire ; ce bien ne me sera pas enlevé ; mais pour d’autres biens, ils n’en avaient pas. Forcé de servir les étrangers, n’ayant plus la douceur de servir mon père, qui fut jadis un berger puissant, j’ai quitté mon village où la servitude ajoutait un poids trop lourd au poids de mes regrets. — N’est-ce pas-là de l’orgueil, mon fils ? — Je n’en sais rien, ma mère ; mais j’aime mieux croire que c’est de la fierté, comme aussi du courage. Et mon père disait qu’on peut beaucoup en ce monde avec du courage ; il plaît à Dieu ; par lui, les bergers pauvres ne sont jamais méprisables, quand même les bergers