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MARIE.

triste. » Marie leva sa tête languissante, et vit l’heureuse Annette portant dans ses bras le premier fils de Julien. — Bonsoir, Annette. Que parles-tu de chanson ? — Tu en essayais une, Marie ; mais peut-on chanter si tristement ! — C’est que j’étais seule, dit-elle. — Et ses yeux, encore humides, se portèrent sur l’enfant qui dormait au sein de sa mère.

« Écoute, Marie ; j’ai été seule comme toi ; je perdais mes couleurs comme tu vas perdre les tiennes : regarde-moi ! Julien me les a rendues. Oh ! Marie ! Serais-tu triste encore si tu tenais dans tes bras un enfant beau comme le mien ? si tu le voyais rire et s’agiter comme pour te remercier de l’avoir fait naître ? »

Marie embrassa le bel enfant sans répondre, et soupira profondément : les deux amies restèrent alors immobiles en face l’une de l’autre ; elles se regardaient d’un air touchant, mais ne se parlaient pas ; Annette