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Les sons d’une harpe plaintive,
En frappant sur mon sein, le faisaient tressaillir ;
Ils fatiguaient mon oreille attentive,
Et je me sentais défaillir…
Que faisais-tu, mon idole chérie,
Quand ton absence éternisait le jour ?
Quand je donnais tout mon être à l’amour,
M’as-tu donné ta rêverie ?
As-tu gémi de la longueur du temps ?
D’un soir… d’un siècle écoulé pour tattendre ?
Non ! son poids douloureux accable le plus tendre !
Seule, j’en ai compté les heures, les instans !
J’ai langui sans bonheur, de moi-même arrachée ;
Et toi, tu ne m’as point cherchée !…
Mais quoi ! limpatience a soulevé mon sein ;
Et, lasse de rougir de ma tendre infortune,
Je me dérobe à ce bruyant essaim
Des papillons du soir, dont l’hommage importune.
L’heure, aujourd’hui si lente à s’écouler pour moi,
Ne marche pas encore avec plus de vitesse ;
Mais je suis seule, au moins, seule avec ma tristesse,
Et je trace, en rêvant, cette lettre pour toi…
Pour toi, que j’espérais, que j’accuse, que j’aime !
Pour toi, mon seul désir, mon tourment, mon bonheur ;
Mais je ne veux la livrer qu’à toi-même,
Et tu la liras sur mon cœur !