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POÉSIES

Quand le livre importun, dont sa main est lassée,
Rompt ses fragiles nœuds, et tombe auprès de lui.
Un dogue l’observait du seuil de sa demeure ;
Stentor, gardien sévère et prudent à la fois,
De peur de l’effrayer retient sa douce voix.
Hélas ! peut-on crier contre un enfant qui pleure ?

« Bon dogue, voulez-vous que je m’approche un peu,
» Dit l’écolier plaintif ? Je n’aime pas mon livre ;
» Voyez ! ma main est rouge, il en est cause. Au jeu
» Rien ne fatigue, on rit ; et moi je voudrais vivre
» Sans aller à l’école, où l’on tremble toujours.
» Je m’en plains tous les soirs, et j’y vais tous les jours ;
» J’en suis très-mécontent. Je n’aime aucune affaire.
» Le sort des chiens me plaît, car ils n’ont rien à faire. »

« Écolier ! voyez-vous ce laboureur aux champs ?
» Eh bien ! ce laboureur, dit Stentor, c’est mon maître.
» Il est très-vigilant ; je le suis plus, peut-être :
» Il dort la nuit, et moi j’écarte les méchans.
» J’éveille aussi ce bœuf qui, d’un pied lent, mais ferme,
» Va creuser les sillons quand je garde la ferme.
» Pour vous-même on travaille ; et, grâce à vos brebis,
» Votre mère, en chantant, vous file des habits.
» Par le travail, tout plaît, tout s’unit, tout s’arrange.
» Allez donc à l’école ; allez, mon petit ange.