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Je pleure, et d’un sanglot croyant troubler le monde,
J’appelle mon enfant pour que Dieu me réponde !
Mais la porte est déjà fermée à mon malheur,
Et tout dit à la femme : « Allez à la douleur ! »

J’y vais. Je n’ai rien dit, j’ai salué les maîtres ;
De la grande maison j’ai compté les fenêtres,
Parcouru le jardin sans verdure, sans fleurs.
Oui, c’est bien vrai, l’hiver est la saison des pleurs.
Les miens n’ont pas coulé de mon cœur gros d’alarme ;
J’ai vu partir mon fils sans verser une larme.
Il pâlissait, le pauvre, en me voyant partir !
Je souriais pourtant, j’essayais de mentir.
Dieu ! folle d’un chagrin que rien ne peut décrire,
Pour endurcir son cœur j’essayais de sourire !
Mais aux frissons épars dans mes membres tremblants,
J’ai senti que j’aurai bientôt des cheveux blancs.
Va ! je les aimerai. J’aimais ceux de ma mère.
Jeune encore, ils disaient son lot tendre et sévère,
Ses longs cheveux cendrés que je baisais toujours
Sans savoir que ce fût le livre de ses jours.
Tu baiseras les miens si l’amour me les donne.
Si tu sais où j’ai pris cette grave couronne,
Quand tu vivrais cent ans tu t’en ressouviendras,
Et par delà mes jours, toi, tu les béniras.