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Mais quoi, le rossignol soulevé dans la brise
S’en retournait à Dieu par l’arceau d’une église,
Et sous tant de bouquets jetés sur son départ,
Seul, de tout ce printemps, ne prenait plus sa part.

Et comme s’en allait ce lumineux cortége,
En chantant : « Que le Dieu qui mourut la protége ! »…
Prise d’un souvenir qui me serrait la voix,
Je criai, sans parler : « Qu’est-ce donc que je vois ! »

Alors, posant ma main où la douleur s’élance,
Je ressentis au cœur comme un grand coup de lance,
Tel que le recevra tout pauvre cœur humain
Devant ces corps d’enfant tombés par le chemin.
Appelant par son nom la douce pardonnée,
Presque sans le vouloir je marchais consternée,
Puis, rêvant son front pâle et naguère adoré,
La force abandonna mon corps,… et je pleurai.

Pourtant, l’atome ailé dont le vol se déploie
Traçait au fond de l’air mille cercles de joie,
L’hirondelle au bec noir acclamait son retour ;
Le cri des coqs lointains sonnait l’heure et l’amour ;
Là bas, des ramiers blancs flottaient à longues voiles
Et semblaient, en plein jour, de filantes étoiles ;