Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/308

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ſurer qu’encore que tous les hommes du monde me témoignaſſent le contraire, ils ne ſeroient pas ſuffiſans pour me le perſuader, ny m’empeſcher de leur rendre le reciproque. Mais vous ſçauez combien ie ſuis negligent à écrire, & ſi i’y manque vne autre fois, comme 5 ie feray, s’il vous plaiſt, bien ſouuent, quand ie n’auray pas aſſez de matiere pour remplir le papier, & qu’il n’y aura rien de preſſé, ie vous ſupplie & vous conjure de croire que ie ne laiſſeray pas pour cela d’eſtre parfaitement voſtre ſeruiteur, de vous 10 honorer, & de me reſſentir voſtre obligé touſiours de plus en plus.

Ie vous diray que ie ſuis maintenant aprés à demeſler le chaos, pour en faire ſortir de la lumiere, qui eſt l’vne des plus hautes & des plus difficiles 15 matieres que ie puiſſe iamais entreprendre ; car toute la phyſique y eſt preſque compriſe[1]. I’ay mille choſes diuerſes à conſiderer toutes enſemble, pour trouuer vn biais par le moyen duquel ie puiſſe dire la verité, ſans eſtonner l’imagination de perſonne, ny choquer 20 les opinions qui ſont commun&ment receuës. C’eſt pourquoy ie deſire prendre vn mois ou deux à ne penſer à rien autre choſe. Cependant toutesfois ie ne laiſſeray pas d’eſtre bien aiſe de ſçauoir ce qu’auront dit de mes lettres ceux à qui i’écriuis dernierement, 25 & auſſi M. Mydorge à qui i’auois écrit auparauant, & de quoy vous ne me mandez rien en voſtre derniere. Mais ſi quelqu’vn m’écrit encore par hazard, ie ne ſuis pas reſolu de leur faire réponſe, au moins de longtemps aprés, & ils pourront excuſer ce retardement 30

  1. Page 70, l. 11. et 179. l. 10.