Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/628

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ceux qui ont la fantaiſie malade ne penſent pas bien ; & s’ils n’auoient ny fantaiſie ny mémoire, ils ne penſeroient point du tout[1].

5. Il ne s’enſuit pas de ce que nous doutons des choſes qui ſont autour de nous, qu’il y ait quelque 5 eſtre plus parfait que le noſtre[2]. La pluſpart des Philoſophes ont douté de beaucoup de choſes, comme les Pyrrhoniens, & ils n’ont pas de là conclud qu’il y euſt vne Diuinité ; il y a d’autres preuues pour en faire auoir la penſée, & pour la prouuer. 10

6. L’experience fait voir que les belles font entendre leurs affections & paſſions par leur ſorte de langage[3], & que par pluſieurs ſignes elles monſtrent leur colere, leur crainte, leur amour, leur douleur, leur regret d’auoir mal fait ; teſmoin ce qui ſe lit de certains 15 cheuaux qui, ayant eſté employez à couurir leurs meres ſans les connoiſtre, ſe precipitoient apres les auoir reconnües[4]. Il ne faut pas à la verité | s’arreſter à ces hiſtoires ; mais il eſt euident que les animaux font leurs operations par vn principe plus excellent 20 que par la neceſſité prouenante de la diſpoſition de leurs organes ; à ſçauoir par vn inſtinct, qui ne ſe trouuera iamais en vne machine, ou en vne horloge, qui n’ont ny paſſion ny affection, comme ont les animaux. 25

7. L’Auteur dit que l’ame doit eſtre neceſſairement creée[5], mais il euſt eſté bon d’en donner la raiſon.

  1. Cf. Aristote, De anima, l. I, c. i, 403 a, 8-12.
  2. Disc, de la Meth., p. 34-35.
  3. Ib., p. 57.
  4. Aristote, Hist. anim., l. IX, c. 47.
  5. Disc, de la Meth., p. 59-60.