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i, 5. 9 CCCXLVII. — 2 Mai 1644. m

Mon Reuerend Père,

le fçay qu'il eft tres-mal-aifé d'entrer dans les pen- fées d'autruy, & l'expérience m'a fait connoiftre com- bien les miennes femblent difficiles à plufieurs; ce

5 qui fait que ie vous ay grande obligation de la peine que vous auez prife à les examiner; & ie ne puis auoir que très-grande opinion de vous, en voyant que vous les pofledez de telle forte, quelles font maintenant plus voftres que miennes. Et les difficultez qu'il vous

10 a plû me propofer, font plutoft dans la matière, & dans le défaut de mon expreffion, que dans aucun défaut de voftre intelligence; car vous auez ioint la folution des principales. Mais ie ne lairray pas de dire icy mes fentimens de toutes.

«5 I'auouë bien que, dans les caufes Phyfiques & Mo- rales, qui font particulières & limitées, on éprouue fouuent que celles qui produifent quelque effet, ne font pas capables d'en produire plufieurs autres qui nous paroiffent moindres. Ainfi vn homme, qui peut

20 produire vn autre homme, ne peut pas produire vne fourmy ; & vn Roy, qui fe fait obéir par tout vn peuple, ne fe peut quelquesfois faire obeïr par vn cheual. Mais, quand il eft queftion d'vne caufe vniuerfelle & indéterminée, il me femble que c'eft vne notion com-

25 mune tres-euidente que, quod poteji plus, potejl etiam minus, aufli bien que toîum eft maiusfuâ parte. Et mefme cette notion entendue s'eftend aufïi à toutes les caufes particulières, tant morales que phyfiques ; car ce fe- roit plus à vn homme de pouuoir produire des hommes

27 bien entendue (Inst.).

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