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194 Correspondance.

amis de M. De/cartes, entreprit de traduire auffi en nôtre langue les objections faites à ces Méditations avec les réponfes de M. De/cartes. Cette traduâion étoit excellente aujji bien que celle de M. le Duc de Luines. Mais l'un & l 'autre jugèrent que, fi elles dévoient voir le jour, il falloit qu'elles fuJTent revîtes auparavant par l'auteur même des Méditations, afin qu'en les confrontant avec fa penfée, il pût les mettre le plus prés de leur original qu'il feroit pojjible, & leur en imprimer le caraâére. M. Defcartes fut obligé de fe rendre à un avis fi important. Mais, fous prétexte de revoir ces verfions, il fe donna la liberté de fe corriger lui-même, & d'éclaircir fes propres penfées. De forte qu'ayant trouvé quelques endroits [en marge : Lettr. MS. de Desc. à Clersel. du 10 d'Avril 1645], oit il croyoil n'avoir pas rendu fon fens affe\ clair dans le Latin pour toutes fortes de perfonnes, il entreprit de les éclaircir dans la traduâion par quelques petits changemens qu'il efi aifé de reconnoitre à ceux qui confèrent le François avec le Latin. Une chofe qui fembloit avoir donné de la peine aux traduâeurs, dans tout cet ouvrage, avoit été la rencontre de plufieurs mots de l'art, qui, paroijfant rudes & barbares dans le Latin même, ne pouvoient manquer de l'être beaucoup plus dans le François, qui efi moins libre, moins hardi, & moins accoutumé à ces termes de l'Ecole [en marge : Ibid. lettr. à Clerselier MS.]. Ils n'oférent pourtant les ôter partout, parce qu'ils n'auroient pu le faire fans changer le fens, dont la qualité d'interprètes devoit les rendre religieux obfervateur s. D'un autre côté, M. Defcartes témoigna être fi fatisfait de l'une & de l'autre verjion, qu'il ne voulut point ufer de la liberté qu'il avoit pour changer lejlile, que fa mode/lie &l'efiime qu'il avoit pour fes traducteurs lui faifoit trouver meilleur que n'auroit été le fien. De forte que, par une déférence réciproque qui a retenu les traducteurs & l'auteur, il efi refié dans l'ouvrage quelques- uns de ces termes fcholafiiques, malgré lé dejfein qu'on avoit eu de lui ôter le goût de l'école, en lefaifant changer de langue. Cet eclaircif- fement, touchant la traduâion des Méditations & des Objeâions, efi nécejfaire, non feulement pour jufti [fier les traduâeurs fur les chan- gemens dont l'auteur efi lefeul refponfable, mais pour faire voir auffi que la traduâion Françoife vaut beaucoup mieux que l'original Latin, parce que M. Defcartes s' efi fervi de l'occafion de la revoir, pour retoucher fon original en nôtre langue. C'efi un avantage qu'a eu auffi dans la fuite la verjion FrançoiJ'e des Principes de M. Def- cartes, faite par l'Abbé Picot ". De forte que tous fes ouvrages Fran-

a. Voir lettres CCCLXVIII, p. 175, A, et CCCLXX, p. 180-181.

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