Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/300

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286 Correspondance. 1,21-22.

plaifirs qui nous trompent fouuent par leur appa- rence, & nous en font négliger d'autres beaucoup plus folides, mais dont l'attente ne touche, pas tant, tels que font ordinairement ceux de l'efprit feul. le dis ordinairement ; car tous ceux de l'efprit ne font 5 pas louables, pour ce qu'ils peuuent élire fondez fur quelque faufle opinion, comme le plaifir qu'on prent a médire, qui n'eft fondé que fur ce qu'on penfe de- uoir eftre d'autant plus eftimé que les autres le feront moins; & ils nous peuuent aufty tromper par leur 10 apparence, lorfque quelque forte paffion les accom- pagne, comme on void en celuy que donne l'ambition.

Mais la principale différence qui eft entre les plai- firs du cors & ceux de l'efprit, confifte en ce que, le cors eftant fuiet a vn changement perpétuel, & mefme i5 fa conferuation & fon bien eftre dépendant de ce changement, tous les plaifirs qui le regardent ne du- rent gueres; car ils ne procèdent que de l'acquifition de quelque chofe qui eft vtile au cors, au moment qu'on les reçoit ; & fi toft qu'elle cefTe de luy eftre 20 vtile, ils ceïfent auiïy, au a lieu que ceux de l'ame peu- uent eftre immortels comme elle, pouruû qu'ils ayent vn fondement fi folide que ny la connoiftance de la vérité ny aucune fauf|fe perfuafion ne le deftruifent.

Au refte, le vray vfage de noftre raifon pour la con- 25 duite de la vie ne confifte qu'a examiner & confiderer fans paffion la valeur de toutes les perfedions, tant du cors que de l'efprit, qui peuuent eftre acquifes par

2 &] & qui. — après font] cependant ajouté. — 20 les] la. a. MS. : en.

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