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1,28-29. CDVII. — 6 Octobre 164$. J07

fe plaindre, qu'en ce qui luy pourroit donner de la i atisf action. Car la conftitution de noftre nature eftant telle, que noftre efprit a befoin de beaucoup de re- lafche, affin qu'il puiffe employer vtilement quelques

5 momens en la recherche de la vérité, & qu'il s'afTou- piroit, au lieu de fe polir, s'il s'appliquoit trop a l'eftude, nous ne deuons pas mefurer le tems que nous auons pu employer a nous inftruire, par le nombre des heures que nous auons eues a nous, mais pluftoft,

10 ce me femble, par l'exemple de ce que nous voyons communément arriuer aux autres, comme eftant vne marque de la portée ordinaire de l'efprit humain.

Il me femble auffy qu'on n'a point fuiet de fe re- pentir, lorfqu'on a fait ce qu'on a iugé eftre le meil-

i5 leur au tems qu'on a deu fe refoudre a l'exécution, encore que, par après, y repenfant auec plus de loyfir, on iuge auoir failly. Mais on deuroit plutoft fe repen- tir, fi on auoit fait quelque chofe contre faconfcience, encore qu'on reconnuft, par après, auoir mieux fait

20 qu'on n auoit penfé : car nous n'auons a refpondre que de nos penfées ; & la nature de l'homme n'eft pas de tout fçauoir, ny de iuger toufiours û bien fur le < champ, que lorfqu'on a beaucoup de temps a déli- bérer.

z5 Au refte, encore que la vanité qui> a fait qu'on a meilleure opinion de foy qu'on ne doit, foit vn vice qui n'appartient qu'aux âmes foibles & baffes, ce n'eft pas a dire que les plus fortes & genereufes fe doiuent mefprifer ; mais il fe faut faire iuftice a foy mefme, en

îo reconnoiffant fes perfections auffy bien que fes de-

a. Ligne passée dans le MS.

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