Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/370

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J$6 Correspondance. 1,43.

c'eft feulement afin quelle leur aide à porter leur far- deau, ainfi qu'il y a dans la fable, & ils ne veulent point pour cela perdre la vie; ou bien, s'il y en a quel- ques-vns qui la veuillent perdre, & qui fe tuent eux- mefmes, c'eft par vne erreur de leur entendement, & 5 non point par vn iugement bien raifonné, ny par vne opinion que la nature ait imprimée en eux, comme eft celle qui fait qu'on préfère les biens de cette vie à fes maux.

La raifon qui me fait croire que ceux qui ne font 10 rien que pour leur vtilité particulière, doiuent aufli bien que les autres trauailler pour autruy a , &. tafcher de faire plaifir à vn chacun, autant qu'il eft en leur pouuoir, s'ils veulent vfer de prudence, eft qu'on voit ordinairement arriuer que ceux qui font eftimez i5 officieux & prompts à faire plaifir, reçoiuent auffi quantité de bons offices des autres, mefme de ceux qu'ils n'ont iamais obligez, lefquels ils ne receuroient pas, fi on les croyoit d'autre humeur, & que les peines qu'ils ont à faire plaifir, ne font point fi grandes 20 que les commoditez que leur donne l'amitié de ceux qui les connoiflent. Car on n'atend de nous que les offices que nous pouuons rendre commodément, & nous n'en attendons pas dauantage des autres ; mais il arriue fouuent que ce qui leur courte peu, nous 2 5 profite beaucoup, & mefme nous peut importer de la vie. Il eft vray qu'on perd quelquefois fa peine en bien faifant, & au contraire qu'on gagne à mal faire ; mais cela ne peut changer la.regle de la prudence, laquelle ne fe raporte qu'aux chofes qui arrivent le plus fou- 3

u. Voir ci-avant p. 33-, 1. i5.

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