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408 Correspondance. i, 45-46-

dans les venes, fe dilate trop aifément; et qu'il y a vne telle liaifon entre noftre ame & notre corps, que les penfées qui ont accompagné quelques mouuemens du corps, dés le commencement de noftre vie, les accompagnent encore à prefent, en forte que, fi les 5 mefmes mouuemens font excitez derechef dans le corps par quelque caufe extérieure, ils excitent aufli en l'ame les mefmes penfées, & réciproquement, fi nous auons les mefmes penfées, elles produifent les mefmes mouuemens; et enfin, que la machine de 10 noftre corps eft tellement faite, qu'vne feule penfée de ioye, ou d'amour, ou autre femblable, eft fuffifante pour enuoyer les efprits animaux par les nerfs en tous les mufcles qui font requis pour caufer les diuers mouuemens du fang que i'ay dit accompagner les «5 pafiions. Il eft vray que i'ay eu de la difficulté à dif- tinguer ceux qui appartiennent à chaque paflion, à caufe qu'elles ne font iamais feules ; mais neantmoins, pource que les mefmes ne font pas toufiours iointes enfemble, i'ay tafché de remarquer les changemens qui 20 arriuoient dans le corps, lors qu'elles changeoient de compagnie. Ainfi, par exemple, fi l'amour eftoit touf- iours iointe à la ioye, ie ne fçaurois à laquelle des deux il faudroit attribuer la chaleur & la dilatation qu'elles font fentir autour du cœur; mais, pour ce 25 qu'elle eft aufli quelquefois iointe à la triftefle, & qu'a- lors on fent encore cette chaleur & non plus cette dila- tation, i'ay iugé que la | chaleur appartient à l'amour, & la dilatation à la ioye. Et bien que le defir foit quafi toufiours auec l'amour, ils ne font pas neantmoins 3o toufiours enfemble au mefme degré : car, encore qu'on

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