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410 Correspondance. 1,46-47-

quafi au mefme inftant qu'on penie à les mouuoir, pource que l'idée de ce mouuement, qui fe forme dans le cerueau, enuoye les efprits dans les mufcles qui feruent à cet effet; ainfi l'idée d'vne chofe plai- fante qui furprend l'efprit, enuoye aufîi-toft les efprits 5 dans les nerfs qui ouurent les orifices du cœur; & l'admiration ne fait en cecy autre chofe, linon que, par fa furprife^ elle augmente la force du mouuement qui caufe la ioye, & fait que, les orifices du cœur eftant dilatez tout à coup, le fang qui entre dedans par la >o vene caue, & qui en fort par la vene arterieufe, enfle fubitement le poumon.

Les mefmes fignes extérieurs, qui ont coutume d'ac- compagner les pallions, peuuent bien aufli quelquefois élire produits par d'autres caufes. Ainfi la rougeur du i5 vifage ne vient pas toufiours de la honte ; mais elle peut aufli venir de la chaleur du feu, ou bien de ce qu'on fait de l'exercice. Et le ris qu'on nomme fardonien, n'eft autre chofe qu'vne conuulfion des nerfs du vifage. Et ainfi on peut foupirer quelquefois par coutume, ou 20 par maladie, mais cela n'empefche pas que les foupirs ne foient des fignes extérieurs de la triftefîe & du de- fir, lors que ce font ces paflions qui les caufent. le n'auois iamais oùy dire ny remarqué qu'ils fuflent aufli quelquefois caufez par la repletion de l'eftomac; 25 mais, lors que cela arriue, ie croy que c'eft vn mouue- ment dont la nature fe fert pour faire que le fuc des viandes pafle plus promptement par le cœur, & ainfi que l'eftomac en foit plutoft déchargé. Car les foupirs, agitant le poumon, font que le fang qu'il contient 3o defcend plus ville par l'artère veneufe dans le cofté

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