Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/505

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i,.H-55. CDXLV. — Septembre 1646. 491

qui leur donnent de l'enuie, leur donnent auffi de la crainte; c'eft pourquoy iamais on ne doit s'abftenir de bien faire, pour éuiter cette forte de haine; & il n'y en a point qui leur puiffe nuire, que celle qui vient de 5 Tiniuftice ou de l'arrogance que le peuple iuge eftre en eux. Car on voit mefme que ceux qui ont efté con- damnez à la mort, n'ont point coutume de haïr leurs iuges, quand ils penfent l'auoir méritée; & on foufre auffi auec patience les maux qu'on n'a point méritez,

10 quand on croit que le Prince, de qui on les reçoit, eft en quelque façon contraint de les faire, & qu'il en a du deplaifir; pource qu'on eftime qu'il eft iufte qu'il préfère l'vtilité publique à celle des particuliers. Il y a feulement de la difficulté, lors qu'on eft obligé de fa-

i5 tisfaire à deux partis qui iugent différemment de ce qui eft iufte, comme lors que les Empereurs Romains auoient à contenter les Citoyens & les Soldats ; auquel cas il eft raifonnable d'accorder quelque chofe aux vns & aux autres, & on ne doit pas entreprendre de

20 faire (venir tout d'vn coup à la raifon ceux qui ne font pas acoutumez de l'entendre; mais il fauttafcher peu à peu, foit par des écrits publics, foit par les voix des Prédicateurs, foit par tels autres moyens, à la leur faire conceuoir. Car enfin le peuple foufre tout ce

25 qu'on luy peut perfuader eftre iufte, & s'offenfe de tout ce qu'il imagine d'eftre iniufte; & l'arrogance des Princes, c'eft à dire l'vfurpation de quelque autorité, de quelques droits, ou de quelques honneurs qu'il croit ne leur eftre point dûs, ne luy eft odieufe, que

3o pource qu'il la confidere comme vne efpece d'in- iuftice.

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