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1,57- CDLII. — Novembre 1646. $29

fens, ny aucune indifpofition dans le corps qui l'in- commode, vn efprit qui fuit la vraye raifon peut fa- cilement fe contenter. Et il n'eft pas befoin, pour cela, qu'il oublie ny qu'il néglige les chofes éloignées ; 5 c'eft affez qu'il tafche à n'auoir aucune paffion pour celles qui luy peuuent déplaire : ce qui ne répugne point à la charité, pource qu'on peut fouuent mieux trouuer des remèdes aux maux qu'on examine fans paffion, qu'à ceux pour lefquels on efl affligé. Mais,

10 comme la fanté du corps & la prefence des obiets agréables aydent beaucoup à l'efprit, pour chaffer hors de foy toutes les paffions qui participent de la trifteffe, & donner entrée à celles qui participent de la ioye, ainfi, réciproquement, lors que l'efprit eft plein

i5 de ioye, cela fert beaucoup à faire que le corps fe porte mieux, & que les obiets prefens paroiffent plus agréables.

Et mefme auffi i'ofe croire que la ioye intérieure a quelque fecrette force pour fe rendre la Fortune plus

20 fauorable. le ne voudrois pas écrire cecy à des per- fonnes qui auroient l'efprit foible, de peur de les in- duire à quelque fuperftition ; mais, au regard de voftre Alteffe, i'ay feulement peur qu'elle fe moque de me voir deuenir trop crédule. Toutesfois i'ay

»5 vne infinité d'expériences, & auec cela l'autorité de Socrate, pour confirmer mon opinion. Les expé- riences font que i'ay fouuent remarqué que les chofes que i'ay faites auec vn cœur gay, & fans aucune répu- gnance intérieure, ont coutume de me fucceder heu-

3o reufement, iufques là mefme que, dans les ieux de hazard, où il n'y a que la Fortune feule qui règne, ie

Correspondance. IV. 67

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