Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/551

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i, io5. CDLIII. — I er Novembre 1646. 537

l'état de l'Ame après la mort ; iufques où nous deuons aimer la vie ; & quels nous deuons eftre, pour n'auoir aucun fuiet d'en craindre la perte? I'aurois beau n'a- uoir que les opinions les plus conformes à la Reli- 5 gion, & les plus vtiles au bien de l'Etat, qui puiffent eftre, ils ne lairroient pas de me vouloir faire acroire que i'en aurois de contraires à l'vn & à l'autre. Et ainfi ie croy que le mieux que ie puifle faire dorefna- uant, eft de m'abftenir de faire des liures; & ayant 10 pris pour ma deuife,

Illi mors grauis incubât, Qui, notus nimis omnibus, Ignotus moritur Jibi*,

de n'étudier plus que pour m'inftruire, & ne commu- i5 niquer mes penfées qu'à ceux auec qui ie pourray conuerfer priuément, ie vous allure que ie m'efti- merois extrêmement heureux, fi ce pouuoit eftre auec vous. Mais ie ne croy pas que i'aille iamais aux lieux où vous eftes, ny que vous vous retiriez en cettuy-cy ; 20 tout ce que ie puis efperer, eft que peut-eftre, après quelques années, en repaffant vers la France, vous me ferez la faueur de vous arrefter quelques iours en mon hermitage, & que i'auray alors le moyen de vous entretenir à cœur ouuert. On peut dire beaucoup de 25 chofes en peu de temps, & ie trouue que la longue fréquentation n'eft pas necelfaire pour lier d'étroites amitiez, lors qu'elles font fondées fur la vertu. Dés la première heure que i'ay eu l'honneur de vous voir, i'ai efté entièrement à vous, &. comme i'ay ofé deflors

a. Sénèque le Tragique, Thyeste, v.400.

Correspondance. IV. 68

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