Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/622

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

608 Correspondance. ï, m-m.

Dieu par la feule force de noftre nature. le n'affure (point que cet amour foit méritoire fans la grâce, ie laiffe démêler cela aux Théologiens ; mais i'ofe dire qu'au regard de cette vie, c'eft la plus rauiflante & la plus vtile palîion que nous puillions auoir; & mefme 5 qu'elle peut élire la plus forte, bien qu'on ait befoin, pour cela, d'vne méditation fort attentiue, à caufe que nous fommes continuellement diuertis par la prefence des autres obiets.

Or le chemin que ie iuge qu'on doit fuiure, pour 10 paruenir à l'amour de Dieu, eft qu'il faut confiderer qu'il eft vn efprit, ou vne chofe qui penfe, en quoy la nature de noftre ame ayant quelque rcffemblance auec la fienne, nous venons à nous perfuader qu'elle eft vne émanation de fa fouueraine intelligence, & diuinœ <5 quafi f articula aurœ d . Mefme, à caufe que noftre con- noiiTance femble fe pouuoir accroiftre par degrés iuf- qu'à l'infiny, & que, celle de Dieu eftant infinie, elle eft au but où vife la noftre, fi nous ne conliderons rien dauantage, nous pouuons venir à l'extrauagance 20 de fouhaiter d'eftre dieux, & ainli, par vne très- grande erreur, aimer feulement la Diuinité au lieu d'aimer Dieu. Mais û, auec cela, nous prenons garde à l'infinité de fa puifTance,par laquelle il a créé tant de chofes, dont nous ne fommes«que la moindre partie; 25 à l'étendue de fa prouidence, qui fait qu'il voit d'vne feule penfée tout ce qui a efté, qui eft, qui fera, & qui fçauroit eftre ; à l'infaillibilité de fes décrets, qui, bien qu'ils ne troublent point noftre libre arbitre, ne peuuent neantmoins en aucune façon eftre changez; 3o

a. Horace, Satires,. II, 2, vers 79.

�� �