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253-254. Quatrièmes Réponses. 19^

perfuadoient fi fortement que ces accidens qui touchent nos fens eltoient quelque choie de réel difl'erent de la fubflance, qu'ils ne penfoient pas feulement que iamais on en peuft douter, ils ont fupofé, fans aucune iufte railbn & fans v auoir bien penfé, que les efpeces du pain eftoient des accidens réels de cette nature; puis enfuite ils ont mis toute leur ertude à expliquer comment ces accidens peuuent fubfifter fans fuiet. En quoy ils ont trouué tant de difficultez que cela feul leur deuoit faire iuger qu'ils s'efloyent détournez du droit chemin, ainfi que font les voyageurs quand quelque fentier les a conduits à des lieux pleins d'épines & inac- ceffibles".

Car, premièrement, ils femblent fe contredire (au moins ceux qui tiennent que les obiefts ne meuuent nos fens que par le moyen du contad^i. lorfqu'ils fupofent qu'il faut encore quelque autre chofe dans les obiets, pour mouuoir les fens, que leurs fuper- ficies diuerfement difpofées ; d'autant que c'efl vne choie qui de foy eft euidente, que la fuperficie feule fuffit pour le contad; et s'il y en a qui ne veulent pas tomber d'acord que nous ne fentons rien fans le contaft, ils ne peuuent rien dire, touchant la façon dont les fens font meus parleurs objecls, qui ait aucune aparence de vérité.

Outre cela, l'efprit humain ne peut pas conceuoir que les accidens du pain foyent réels, & que neanimoins ils exiftent fans fa fubftance, qu'il ne les conçoiue en mefme façon qui fi c'ef|toient des fubftances ; 338 c'eft pourquoy il femble qu'il y ait en cela de la contradiction, que toute la fubftance du pain foit changée, ainfi que le croit l'Eglife, & que cependant il demeure quelque chofe de réel qui efloit aupa- rauanr dans le pain; parce qu'on ne peut pas conceuoir qu'il de- meure rien de réel, que ce qui fubfifte; & encore qu'on nomme cela* vn accident, on le conçoit neantmoins comme vne fubflance. Et c'eft en effecl la mefme chofe que fi on difoit qu'à la vérité toute la l'ubftance du pain eft changée, mais que neantmoins cette partie de fa fubftance, qu'jon nomme accident réel, demeure : dans lefquelles paroles s'il n'y a point de contradiftion, certainement dans le con- cept il en paroift beaucoup.

Et il femble que ce foit principalement pour ce fuiet que quel- ques-vns fe font éloignez en cecy de la créance de l'Eglife Romaine. Mais qui poura nier que, lorfqu'il eft permis, & que nulle raifon,

a. Les trois premières éditions de la traduction française (pas plus d'ailleurs que l'original latin) ne mettent plus à la ligne jusqu'au dernier alinéa : C.'eJÏ pourquoy, s'il m'e/i icy permis . . . (p. 197 ci-après).

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