Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/351

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Principes. — Première Partie. ^j

62. De la dijlinâion qui fe fait par la penfée.

I Enfin, la diftindion qui fe fait par la penfée, confifte en ce que 45 nous diftinguons quelquefois vne fubftance de quelqu'vn de fes attributs, fans lequel neantmoins il n'eft pas poflible que nous en ayons vne connoiffance diftinéte; ou bien en ce que nous tafchons de feparer d'vne mefme fubftance deux tels attributs, en penfant à l'vn fans penfer à l'autre. Cette diftindion eft remarquable en ce que nous ne fçaurions auoir vne idée claire & diftinfte d'vne telle fubftance, fi nous luy oftons vn tel attribut; ou bien en ce que nous ne fçaurions auoir vne idée claire & diftindè de l'vn de deux ou plufieurs tels attributs, fi nous le feparons des autres. Par exemple, à caufe qu'il n'y a point de fubftance qui ne cefte d'exifter, lors qu'elle cefle de durer, la durée n'eft diftindè de la fubftance que par la penfée ; & généralement tous les attributs qui font que nous auons des penfées diuetfes d'vne mefme chofe, tels que font, par exemple, l'efienduëdu corps & fa propriété d'efîre diuifé' en plufteurs parties, ne différent du corps qui nousfert d'objet, & réciproquement l'vn de l'autre, qu'à caufe que nous penfons quelquefois confufement à l'vn fans penfer à l'autre. Il me fouuient d'auoir meflé la diftindion qui fe fait par la penfée auec la modale, fur la fin des réponfes que j'ay faites I aux premières objedions-qui m'ont efté enuoyées fur les Méditations de ma Metaphyfique"; mais cela ne répugne point à ce que fécrj en cet endroit, pource que, n'ayant pas deffein de traitter pour lors fort amplement de cette matière, il me fuffifoit de les diftinguer toutes deux de ta réelle.

63. Comment on peut auoir des notions dipnâes de l'exlenfion & de la penfée, en tant que l'vne conjiituê la nature du corps, & l'autre celle de l'ame.

Nous pouuons auftï confiderer la penfée & l'eftenduë comme les chofes principales qui conftituent la nature de la fubftance intelli- gente & corporelle; & alors nous ne deuons point les conceuoir autrement que comme la fubftance mefme qui penfe & qui eft eften- duë, c'eft à dire comme l'ame & le corps : car nous les connoilTons en cette forte tres-clairement& tres-diftindement. Il eft mefme plus ayfé de connoitre vne fubftance qui penfe ou vne fubftance eftenduë,

a. Lire « divisible » ?

b. Voir la traduction française ci-avant, p. 94-95.

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