Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/359

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Principes. — Première Partie. 6i

conceuoir aucune chofe fi diftindement, que nous feparions entiè- rement ce que nous conceuons d'auec les paroles qui auoient efté choifies pour l'exprimer. Ainfi tous les hommes donnent leur at- tention aux paroles pluftoft qu'aux chofes ; ce qui efl: caufe qu'ils donnent bien fouuent leur confentement à des termes qu'ils n'en- tendent point, <S- qu'ils ne fe foucimt pas beaucoup d'entendre, ou pource qu'ils croyent les auoir entendus autrefois, ou pource qu'il leur a femblé que ceux qui les leur ont enfeignez en connoiffoient la fignification, £■ qu'ils l'ont apprife par me/me moyen. Et bien que ce ne foit pas ic}' l'endroit où je dois traitter de cette matière, à caufe que jen'ay pas enfeigné quelle eft la nature du corps humain, & que je n'ay pas mefmes encore prouué qu'il y ait au | monde 59 aucun corps, il me femble neantmoins que ce que j'en av dit', nous pourra feruir à difcerner celles de nos conceptions qui font claires & diftincles, d'auec celles où il y a de la confufion & qui nous font inconnues.

��y 5. Abrégé de tout ce qu'on doit objeruer pour bien philofopher .

C'elt pourquoy, fi nous defirons vaquer ferieufement à l'eitude de la Philofophie & à la recherche de toutes les veritez que nous fommes capables de connoiflre, nous nous deliurerons, en premier lieu, de nos préjugez, & ferons eftat de rejetler toutes les opinions que nous auons autrefois receucs en nofire créance, jufques à ce que nous les ayons derechef examinées... Nous ferons enfuite vne reueuë fur les notions qui font en nous, &. ne receurons pour vrayes que celles qui le prei'enteront clairement & diftinClement à noftre entendement. Par ce moyen nous connoiltrons, première- ment, que nous fommes, en tant que noflre nature eft de penfer; & qu'il y a vn Dieu duquel nous dépendons; après auoir confideré fes attributs, nous pourrons rechercher la vérité de toutes les autres chofes, pource qu'il en elt la caufe. Outre les notions que nous auons de Dieu &. de noftre penfée, nous trouuerons aufTi en nous la connoiliance de beaucoup de propofitions qui ioni perpé- tuellement vrayes, comme, par exemple, que le néant ne peut eftre l'autheur de quoy | que ce foit, &c. Nous y trouuerons l'idée d'vne 60 nature corporelle ou eflenduë, qui peut eftre mue, diuifée, &c., & des fentimens qui cnufent en nous certaines difpofitions, comme la douleur, les couleurs..., &c...; Et comparant ce que nous l'enons

a. Art. 43 à 47 inclus, p. 4?-45.

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