Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/149

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111.637. DXl. — Mars ou Avril 1648. IJ5

Ce que ie prens la liberté de vous écrire, afin que, lors que vous fçaurez que ie fais cette reflexion, vous ne puitlie/, aufli douter que ie n'aye vn /ele très-parti- culier pour voflrc feruice. A quoi i'adioûteray feule- 5 ment encore vn mot, qui eft que la Philofophie que ie cultiue n'ell pasfi barbare ny fi farouche qu'elle reiettc l'vfa^e des pallions; au contraire, c'ell eu'luy feul que ie mets toute la douceur ^.^ la félicité de cette vie. Ht bien qu'il y ait plufieurs de ces pallions dont les

'o excez foicnt viiicux,il y en atoutesfois quelques autres que i'cdimc d'autant meilleures, qu'elles font plus ex- cediues; e^' ie mets la reconnoiffance entre celles-cy, audi bien qu'entre les vci'tus. C'ell pourquov ie ne croyrois pas pouuoir crtrc ny vertueux ny heureux, fi

i5 ie n'auois vn defir tres-paflionné de vous témoigner par cfiet,dans toutes les occa(ions,queie n'en manque point. Et puifquc vous ne m'en offrez point prefente- ment d'autre que celle de fatisfaire à vos deux de- mandes, icferay mon poflible pour m'en bien acquitter,

20 quoyque l'vne de vos queflions foit d'vne matière qui eft fort éloignée de mes fpeculations ordinaires.

Premièrement donc, ie vous diray que ie tiens qu'il y a vne certaine quantité de mouucment dans toute la matière créée, qui n'augmente ny ne diminue iamais;

25 \ ainfi, que, lors qu'vn corps en fait mouuoir vn autre, il perd autant de fon mouuement qu'il luy en donne. Comme, lors qu'vne pierre tombe de haut contre terre, il elle ne retourne point c*^ qu'elle s'arrefte, ie conçois que cela vient de ce qu'elle ébranle cette terre, & ainfi

3o luy transfère fon mouuement. Mais, fi ce qu'elle meut de terre contient mille fois plus de matière qu'elle,

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