Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/502

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488 Correspondance.

» rendit sa fin semblable à celle de Démocrite", auquel il n'avoit pu souf- » frir qu'on le comparât durant sa vie Selon la fiction de quelques autres, » M. Descartes voulant traiter sa goûte (qui est un mal chimérique dont » il n'eut Jamais la moindre atteinte) suivant ses principes, et s'imaginant » [en marge : B. Essais de Méd., p. 21 5] qu'elle ne venoit que faute du » mouvement de la matière sublime (ces Messieurs ont voulu dire subtile » sans doute), il s'échauffa le sang, qu'il tàchoit de rendre plus fluide en » se gorgeant d'eau de vie. D'autres [en marge : Sorb. ut supr. p. 692. » Clersel. préf. du I vol. des lettr. p; i5] ont inventé que la reine » Christine, n'ayant pu entrer dans ses pensées, ni goûter ses nouvelles » opinions, ne l'avoit pas beaucoup considéré, et que le chagrin qu'il en » avoit conçu luy avoit tellement serré le cœur qu'il en contracta le mal » auquel il fallut succomber. Mais toutes ces faussetez sont devenues si » manifestes par les soins de ceux qui se sont informez sérieusement de » la vérité du fait, qu'on en peut dire ce que nous disons des méchantes » herbes, qui naissent la nuit, qui paroissent pendant une matinée, et que » la chaleur du soleil du midi fait mourir faute de racine et d'aliment. » « La véritable et unique cause de la maladie de M. Descartes a été le » partage de ses soins entre la Reine et l'Ambassadeur malade, au milieu » d'une saison ennemie de son tempérament. [En marge : La Reine de » Suéde rejctta toute la cause sur la rigueur de l'hyver. Rélat. MS. du » P. Poisson de l'Oratoire.] C'est ce qu'il est aisé de comprendre sur le » dérangement qu'il fut obligé de mettre au régime de vie, auquel il avoit » accoutumé son corps, depuis qu'il s'étoit établi sur le pied de gouverner » sa santé par luy-mcme. M. l'Ambassadeur, remarquant dés le premier » Jour que la maladie de son ami étoit toute semblable à la sienne, voulut » d'abord procéder à sa guérison par les routes qu'on avoit suivies pour » le guérir. [En marge : Rél. de Mess. Chanut, Picques, Belin, de la » Salle, et des PP. Viogué et Poisson.] Mais la fièvre, qui étoit interne, » ayant saisi d'abord M; Descartes par le cerveau, elle luy ôta la liberté » d'écouter les avis salutaires de cet ami, et ne luy laissa de forces que » pour résister à la volonté de tout le monde. Monsieur et Madame Cha- » nut voyant toute leur industrie poussée à bout dés le commencement, » prirent l'alarme sur l'absence du premier Médecin de la Reine, qui » étoit l'iniime ami de M. Descartes, et peut-être le seul capable de le » gouverner en cet état. C'étoit M. du Ryer, François de nation. Il étoit » né sujet du Roy d'Espagne, dans la ville d'Arras; mais il avoit été élevé T> en France, et il s^ étoit fait Jacobin. Il s'étoit ensuite défait de son » froc, et s'étoit fait Docteur en Médecine, de la faculté de Montpellier, » après avoir abandonné l'Eglise Catholique. Cette infidélité ne fut point » punie par la privation de ses talens naturels. Après les avoir employez » en France avec assez de succès dans sa nouvelle profession, il avoit

a. Confusion entre les récits de la mort de Démocrite et de celle d'Epi- cure, tels qu'on les trouve dans Diogène Laërce.

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