Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

I, n9.,.o. CDLXXXVIII. — 6 Juin 1647. )i

ce qu'elle a fi facilement entendu des choies que les plus doéles eftiment tres-obfcures, ou de ioye, de ce qu'elles ne luy ont pas déplu. Mais mon admiration s'eft redoublée, lors que i'ay veu la force & le poids

5 des obiedions | que fa Maieflé a remarquées, touchant la grandeur que i'ay attribuée à l'Vniucrs. Et ie tou- haiterois que voftre lettre m'euft trouué en mon feiour ordinaire, pource qu'y pouuant mieux recueillir mon efprit que dans la chambre d'vne hoflcllerie, i'aurois

10 peut-eftre pu me demeller vn peu mieux d'vne quellion fi difficile, c^ fi iudicieufement propofée. le ne pretens pas toutesfois que cela me férue d'excufe ; & pourueu qu'il me foit permis de penfer que c'efl à vous feu! que l'écris, afin que la vénération & le refped ne rendent

i5 point mon imagination trop confufe, ie m'efforceray icy de mettre tout ce que ie puis dire touchant cette matière.

En premier lieu, ie me fouuiens que le Cardinal de Cufa & plufieurs autres Dodeurs ont fuppofé le monde

20 infiny, fans qu'ils ayent iamais efté repris de TEglife pour ce fuiet; au contraire, on croit que c'elT; honorer Dieu, que de faire conccuoir fes œuures fort grands. Et mon opinion eft moins difficile à receuoir que la leur; pource que ie ne dis pas que le monde foit in-

25 Jhiy, mais indejîny feulement. En quoy il y a vnc diffé- rence alTez remarquable : car, pour dire qu'vnc chofe efl infinie, on doit auoir quelque raifon qui la faffe connoiflre telle, ce qu'on ne peut auoir que de Dieu feul ; mais pour dire qu'elle eft indéfinie, il fiiffit de

3o n'auoir point de raifon par laquelle on puilTe prouuer qu'elle ait des bornes, Ainfi il mefemble qu'on ne peut

�� �