Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/655

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��Tome III. 641

��» pour pouuoir fur le champ bien iuger de la valeur des raifons » qui font auancées par chacun des partis ; lefquelles n'entrent pas » toufiours du premier coup dans l'efprit de ceux qui pourroient » en iuger, mais demandent du temps & de l'attention pour fe » faire goufter, & pour furmonter toutes les préoccupations dont on » peut eftre preuenu. Seulement puis-ie dire que i'eus beaucoup de » joye, la dernière fois que ie paru fur les rangs, de voir qu'ayant à » faire à vn des plus habiles & des plus fermes foûtenans contre qui » ie me fois iamais éprouué, il me fembla que la victoire demeura » vn peu en balance, & que ie leus quelque temps, fur le vifage des » afliftans, quelque forte d'inclination pour le party que ie deffen- » dois ; mais ne pouuant pas refifter dauantage à fon adreffe & à fa » force, il fallut à la fin me rendre, & luy demander quartier : ce » qu'il m'accorda de fi bonne grâce, & auec tant de bonté, que ma » retraitte mefme fut glorieufe. »

« Mais ce que ie ne puis foufîrir fans quelque forte de colère & » d'indignation, ou du moins fans me plaindre, eft de voir qu'im- » punément on accufe fadoftrine de fauorifer en quelque façon les » libertins & les athées. Sans mentir, c'efl: traitter cruellement vn » Philofophe qui a fappé les deux principaux fondemens du liber- » tinage & de l'atheifme, en prouuant inuinciblement l'cxifience » de Dieu & l'immatérialité de nos Ames, & qu'on peut dire auoir » mieux mérité par là qu'aucun autre de la Religion, que de luy » faire de femblables reproches. Que l'on dife ce que l'on voudra de » fes principes de Phyfique, mais qu'on ne louche point à fes » mœurs; qu'on fe raille de fes opinions, mais qu'on épargne fa » perfonne ; qu'il foit permis, à la bonne-heure, de traitter d'extra- » uagance fes petits globes & fa matière fubtile ; que l'on croye, fi » l'on veut, qu'il falloit que la ceruelle lui tournaft, quand la penfée » luy eft venue de placer des tourbillons dans le Ciel &|d'en égaler » le nombre à celuy des Eftoilles; que l'on confidere comme vn jeu » de marionettes & comme des tours de pade-paffes, ie mouue- » ment du cœur, la circulation du fang, les diuerfes agitations de la » glande, & le cours ou la diftribution des efprits animaux qui en » dépend : tout cela eft de peu d'importance, pourueu qu'on ne luy » fafte point cette injure que de croire qu'il a chancelé dans fa Foy, ., qu'il a efté aufii inconftant dans fa Religion que la plufpart des » Philofophes le font dans leurs opinions, & que fon cœur n'a pas » répondu à fes paroles. le ne trouueray rien b dire quand, pour » maintenir les règles eftablies dans les Académies, on iugera plus » à propos de s'en tenir aux vieilles maximes, tout obfcures & in-

CORRESPONDANCE. V. °'

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