Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/56

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de quelque nature qui fuſt en effect plus parfaite. Pour ce qui eſt des penſées que i’auois de pluſieurs autres choſes hors de moy, comme du ciel, de la terre, de la lumiere, de la chaleur, & de milles autres, ie n’eſtois point tant en peine de ſçauoir d’où elles venoient, a cauſe que, ne remarquant rien en elles qui me ſemblaſt les rendre ſuperieures a moy, ie pouuois croyre que, ſi elles eſtoient vrayes, c’eſtoient des dependances de ma nature, en tant qu’elle auoit quelque perfection ; & ſi elles ne l’eſtoient pas, que ie les tenois du neant, c’eſt a dire, qu’elles eſtoient en moy, pourceque i’auois du defaut. Mais ce ne pouuoit eſtre le meſme de l’idée d’vn eſtre plus parfait que le mien : car, de la tenir du neant, c’eſtoit choſe manifeſtement impoſſible ; et pourcequ’il n’y a pas moins de repugnance que le plus parfait ſoit vne ſuite & vne dependance du moins parfait, qu’il y en a que de rien procede quelque choſe, ie ne la pouuois tenir non plus de moy meſme. De façon qu’il reſtoit qu’elle euſt eſté miſe en moy par vne nature qui fuſt veritablement plus parfaite que ie n’eſtois, & meſme qui euſt en ſoy toutes les perfections dont ie pouuois auoir quelque idée, c’eſt a dire, pour m’expliquer en vn mot, qui fuſt Dieu. A quoy i’adiouſtay que, puiſque ie connoiſſois quelques perfections que ie n’auois point, ie n’eſtois pas le ſeul eſtre qui exiſtaſt (i’vſeray, s’il vous plaiſt, icy librement des mots de l’Eſchole), mais qu’il falloit, de neceſſité, qu’il y en euſt quelque autre plus parfait, duquel ie dependiſſe, & duquel i’euſſe acquis tout ce que i’auois. Car, ſi i’euſſe eſté ſeul & independant de tout autre, en ſorte que i’euſſe eu,