Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/178

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tout, jusqu’aux vérités éternelles, lesquelles sont créées librement par Dieu, mais une fois pour toutes, et demeureront éternellement ’. Il l’étend, ce dogme, jusqu’à Dieu, cause de tout le reste et de soi : Dieu crée tout, et se crée lui-même. On en vient à de telles témérités de langage, lorsqu’on transporte la création dans l’absolu.

Hâtons-nous de reprendre pied dans le monde réel de l’étendue, de la figure et du mouvement. Les vérités éternelles sont les lois de ce monde, et ce sont en même temps les principes des mathématiques. C’est à cela, en définitive, que Descartes voulait aboutir au terme de sa métaphysique. Que doit être désormais la physique? Une dépendance des mathématiques. Les choses sensibles ne paraissaient offrir, après l’examen qu’en avaient fait les sceptiques, que matière à incertitude et erreur. Tout n’est point cependant à rejeter en elles, et il n’est que de faire le départ entre ce qui peut devenir objet de science et le reste. Descartes examine, par exemple, un morceau de cire*" : il le dépouille, une à une, de toutes les qualités qui n’offrent pas à l’esprit la clarté et la distinction requises pour la connaissance scientifique : quelque chose subsiste toutefois, qui présente ces caractères d’être étendu, figuré, et capable de mouvement : tels les objets étudiés par les mathématiciens. Ou bien encore (c’est une autre comparaison de Descartes’), il a commencé par vider tout son panier de pommes, parce que bon nombre dans le tas étaient certai-

a. Tome I, p. 145-146, Mersenne disait déjà, Impiété des Deijles, 1624, t. I : « ...La moralité elt prifc du refpefl que nos aftions ont auec la règle de la volonté, laquelle règle eft à noltre égard le diâamen de la raifon; mais en Dieu, c’eft fa volonté mefme, car il n’a autre règle, autre loy, ou obligation que loy mel’me, ii bien que la moralité des allions libres de Dieu, telles que font fa mifericorde, fa charité, & fon » amour cnuers nous, n’elt prife d’aucune loy, que donne rintelleiH diuin à la volonté, mais de la volonté diuine, laquelle eft feule impeccable par nature, d’autant que toute feule elle eft fa règle, & le principe formel de fes aidions morales. » (Page 49.)

b. Tome VII, p. 3o, 1. 8.

c. Ibid., p. 5 12, 1. 16-21.