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Prfncesse Elisabeth. 41 j

de la connaissance et de l'existence ; c'est de plus un principe ou une règle de conduite. C'est presque le tout de l'homme, l'ame seule n'en étant qu'une partie, et le corps seul aussi une partie. Et on s'explique le peu d'heures qu'il accorde dans sa vie à la métaphysique, laquelle regarde surtout l'âme, le peu de temps encore, bien que déjà plus largement mesuré, qu'il accorde à la mathématique, laquelle regarde l'étendue ou le corps : la majeure partie de notre vie est réclamée par la vie elle-même, et cela dans l'intérêt de la science et de la philosophie. Nous avons besoin de beaucoup de relâche, pour vaquer quelquefois à l'étude avec d'autant plus de profit. On pourrait croire d'abord que Descartes ait voulu ménager les forces d'une jeune femme, d'ailleurs de médiocre santé, en lui déconseillant par son propre exemple tout excès de travail ; mais non, c'est sérieusement qu'il parle; il l'affirme du moins, et on doit le croire ". Descartes nous donne une nouvelle variante de l'antique formule, primo uirere, deinde philoso- phari : la vie réelle, avec ses nécessités, et la conduite de cette vie ou la morale, voilà le fond des entretiens du philo- sophe et de la princesse Elisabeth.

L'hiver de 1644- 1645 fut mauvais pour celle-ci. Descartes, retiré dans sa solitude d'Egmond, ne le sut que tardivement, par une lettre de Pollot. Il s'en émut, et envoya à la malade une consultation, à la fois pour le physique et pour le moral, sur les remèdes à prendre et sur la façon de les prendre " : ils ne pouvaient être efficaces, que si on les prenait, l'esprit en paix et presque l'âme en joie. Point de travail intellectuel donc, point de contention du cerveau ; mais se laisser vivre, se promener, se reposer les yeux, en regardant la verdure d'un pré, le vol d'un oiseau, le coloris d'une fleur. Elisabeth recevait de ses médecins les mêmes conseils, entre autres l'in- terdiction de travailler. C'est alors que le philosophe, pour

a. Tome III, p. 690, 1. 10, à p. 693, 1. 17, ei , '-yj, 1. 4-15.

b. Tome IV, p. 204, 1. 2-17 : du 18 mai 1645.

c. Ibid., p. 200-204 ^ï P- 2o5-2o6.

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